Les compacts discs, les billets de cent francs, la cassette dans la voiture, il y a quelques indices que ce livre a été écrit au siècle passé, en 1997 pour être précis. Et pourtant, même si le téléphone portable s’appelait Itinéris, même si les dossiers étaient encore constitués de sous-chemises en papier, cette œuvre est étrangement actuelle et moderne. La raison en est probablement que le personnage principal n’a plus grand chose à foutre de ce monde qui nous entoure. Le roman débute alors qu’il est commissaire de nuit et il déroule le fil de ses pensées, de ses aventures, de ses douleurs, femmes, histoires, un mot après l’autre, une phrase après l’autre, un chapitre après l’autre.
« Il a fallu ouvrir chaque bâche, examiner chaque corps, fouiller les vêtements, qu’ils soient intacts ou en lambeaux et même empesés de sang, enlever bagues et bracelets, vider le contenu des poches. […] Du sang, oui, beaucoup de sang, des lambeaux de chair, des os brisés d’où s’échappait de la substance médullaire. Des membres déchiquetés, tordus, des moignons sanglants ou calcinés. […] »
Peut-être l’argot n’est-il plus à jour, certainement que les procédures de police ont évolué, mais voilà un flic qui pense à l’imparfait du subjonctif, avec un rythme, un vocabulaire, une cadence, un lyrisme, une poésie qui semblent avoir fait de l’auteur un Chevalier des Arts et des Lettres.
L’histoire en elle-même ne présente d’intérêt qu’à la marge. Ses collègues, ses erreurs, ses femmes ne sont que des excuses pour démontrer un cynisme sec, rauque, une détestation de la vie et des autres, d’un bout à l’autre, jusqu’à la dernière phrase. Avec beaucoup d’émotions qui semblent passées par un crible mécanique, froid et sans complaisance.