Je suis rentré dans la boutique et j’ai demandé un bouquin qui me ferait oublier la grisaille, mes douleurs et mes envies de pleurer. Après un instant d’hésitation, la vendeuse m’a proposé celui-ci comme un « livre feel-good », dans lequel je retrouverais une dissertation sur un ton léger motivée par le transport d’un canapé-lit. « On se reconnaît tous dans les anecdotes qu’il commente ».
Il est clair que l’auteur a pris motif d’un fait banal –le décès de la grand-mère– pour nous emmener, avec son frangin et sa belle-sœur, sur la route de l’Auvergne. Et pendant le trajet, il faut bien meubler le temps, n’est-ce pas, avec autre chose que le canapé qui est dans le coffre !
Avec un style magnifique, propre, riche et néanmoins inventif, l’auteur commence donc par nous faire visiter les arcanes de sa jeunesse, de sa famille et toutes les motivations qui l’ont amené à faire prendre l’air au canapé. L’écriture est sympa, même si le thème laisse relativement indifférent.
À mesure que les kilomères se déroulent, il raconte les souvenirs de cette route qu’il a parcourue tant de fois, dans tant de contextes différents. Là, oui j’ai reconnu ces trajets de vacances répétés chaque année depuis mon enfance, ces haltes rituelles et ces villages noircis par les gaz d’échappement.
Et puis, petit à petit, les thèmes basculent vers… tout, rien, n’importe quoi, des délires, de l’étendage de culture sans intérêt (vous en voulez ? À Clermont, c’est la statue de M. Desaix qui fait face à Vercingétorix place de Jaude).
La lecture est rendue intéressante –ou compliquée, c’est selon– par le fait que l’auteur parle au présent de toutes les périodes, qu’elles soient antérieures au voyage ou qu’elles lui soient postérieures, c’est-à-dire qu’il raconte au présent un voyage qu’il raconte plus tard, je ne sais pas si vous suivez.
« Non, d’ailleurs quand j’y pense, je n’y suis jamais allé. Ça se produira dans quelques années. »
« Mais pour bien comprendre les conséquences de cette nouvelle rencontre, il convient à présent d’effectuer un saut dans le futur, et plus précisément dans le futur du futur, puisque cet événement a eu lieu après cette nouvelle rencontre et par ailleurs ne s’est pas encore produit au moment ou nous sortons de Gannat, mais puisque nous sommes à Gannat il faut bien que je le raconte tout de même, profitons-en, j’espère que je me fais bien comprendre, et quand j’y pense il s’agit plus précisément d’un futur du futur du futur du passé, car ce que je m’en vais vous narrer [Coupez ! Vous voyez le genre…] »
Bref, on est vraiment sur du bouquin qui change de mes thrillers usuels. Do I feel better ? Pas sûr. Est-ce que je le recommande ? À la rigueur pour la propreté et la richesse du style, mais pas pour l’histoire…
Ah oui, un dernier détail, on est chez Gallimard donc sur un bouquin à 20 balles les 265 pages, ça fait un peu mal là aussi…