Bien avant le fond, c’est le style qui m’a tout d’abord accroché, puis littéralement avalé. L’histoire débute à la fin de la Grande Guerre, en 1918, avec un regard qui parait presque naïf, frais, léger. Il nous met dans la tête des combattants sans qu’on y prenne garde en n’omettant ni l’horreur des tranchées ni les préoccupations intimes de soldats auxquels, insensiblement, on s’identifie. Ce n’est que très progressivement qu’on voit monter le tragique derrière l’humour, le cynisme derrière les images… Ce style à lui seul aurait mérité le Goncourt 2013 qui a couronné le livre.
Et puis, derrière ce style, il y a le plaidoyer, le requiem pour ces survivants, ces gueules cassées -au sens propre en l’occurrence- que la France sera impuissante à aider. Condamnés à l’exclusion et à la misère, les soldats Maillard et Péricourt défieront la morale patriotique en imaginant une arnaque d’envergure nationale, d’une audace inouïe au regard de leur misérable existence.
Un beau, très beau livre.